jeudi 6 décembre 2012

La Justice serre la vis aux petits délinquants


Le procureur général, Olivier Jornot, vient de revoir à la hausse les sanctions concernant les dealers: «Depuis le 1er décembre, j’ai décidé de durcir les barèmes, mais de le faire avec mesure. Il ne sert à rien d’édicter des sanctions qui se heurtent à la pratique des tribunaux.»
On se souvient de la polémique qu’avait suscitée il y a plus d’un an la directive clémente de Daniel Zappelli concernant ces mêmes dealers. Une clémence qui contrastait avec le discours guerrier du magistrat vis-à-vis de ce type de criminalité. Si son successeur, Olivier Jornot, estime en effet que le tarif était jusqu’ici «trop généreux par rapport à la situation que Genève connaît en matière de stupéfiants», il considère également que «les critiques avaient été trop dures à l’époque». Et de préciser: «Moi-même, je n’ai pas quadruplé les sanctions.»
 Diminuer les dealers
 Il n’empêche que le nouveau procureur général revoit le seuil des sanctions à la hausse. Même pour les quantités minimes, il double le tarif, on passe d’un à deux mois de prison (voir l’infographie). Pour celui qui agit ainsi pour la première fois, ce sera 60 jours-amende avec sursis. «Là, nous sommes corsetés par le mécanisme fédéral du Code pénal.» Mais en cas de récidive, «nous ne sommes plus tenus par la problématique des jours-amende, nous pouvons infliger des peines privatives de liberté ferme».

 Les «mules», autrement dit les transporteurs de drogue, font également l’objet de nouvelles directives internes au Ministère public: «Le transport des stupéfiants s’est professionnalisé, explique Olivier Jornot. Prenez le cas de ceux qui ingèrent la drogue, ceux qu’on appelle les body packs. Si vous voyez ce qu’ils doivent avaler, ce n’est pas à la portée de tout le monde, il faut une forme d’entraînement. Les enquêtes montrent que ces personnes sont plus proches de l’organisation criminelle que les pauvres gens qu’on pouvait nous envoyer dans le passé.» Pour ces «mules», les sanctions peuvent aller jusqu’à quatre ans de prison pour le transport de 1500 grammes de cocaïne ou d’héroïne. Et les peines sont plus sévères en cas de transport international.
 Toutes ces sanctions seront-elles dissuasives? «C’est une question de grande philosophie, répond le magistrat. La lutte contre le trafic d’héroïne est aujourd’hui très intense, notamment dans le cadre de l’opération policière Hydra, c’est quelque chose qui fonctionne. Dans le domaine de la cocaïne, l’effort est à intensifier. Le durcissement des barèmes pour les petites quantités est susceptible d’avoir un effet sur la présence des dealers dans les quartiers. Il est plus fréquent de trouver un revendeur de cocaïne avec de toutes petites quantités qu’un revendeur d’héroïne.»
 L’autre nouvelle directive d’Olivier Jornot concerne les multirécidivistes. Elle est en vigueur depuis le mois d’octobre. «Très clairement cette directive a une vocation d’augmentation de la répression dans ce domaine.»
 De quoi s’agit-il? De ces «zizous» qui multiplient les petits délits et qui s’en sortent chaque fois avec de peines légères d’un ou deux mois. «Maintenant, on a une véritable progression des sanctions. A la première récidive, ils écoperont de peines ferme de deux à quatre mois. A la deuxième récidive, ce sera six mois de prison, le maximum que peut infliger un procureur par voie d’ordonnance pénale sans passer par un tribunal.»
 Six mois ferme 
Qu’est-ce qui permet au procureur général d’infliger des peines plus lourdes pour ces petits délits? L’utilisation de la Loi sur les étrangers. Plus exactement le cumul entre la sanction concernant cette infraction (la plupart de ces multirécidivistes se trouvent en situation irrégulière en Suisse) et un petit vol par exemple, ce qui permet de se montrer plus sévère. Une astuce juridique? «Plutôt que le terme astuce, je dirais que nous utilisons tous les moyens légaux, y compris la Loi sur les étrangers, pour lutter contre la délinquance.»

Ces nouvelles directives risquent de conduire à une hausse des arrestations. Comment la prison déjà surchargée va-t-elle accueillir ces personnes? La question doit être réglée par les autorités politiques, estime Olivier Jornot: «Les délinquants multirécidivistes sans titre de séjour sont un des phénomènes contre lesquels j’entends lutter et je ne vais pas les laisser dans la rue parce que Champ-Dollon est surpeuplée.»

Tribune de Genève